Goma : la reprise des cours laisse les écoles primaires publiques et les enseignants dans l’incertitude

Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, connaît une reprise progressive des activités scolaires après une longue période d’interruption due au conflit ayant conduit à la prise de la ville par le mouvement AFC M23. Si les rues retrouvent peu à peu leur animation habituelle avec les allées et venues des élèves et des bus scolaires, une réalité préoccupante demeure : les écoles primaires publiques restent fermées, plongeant enseignants et élèves dans une incertitude totale.
Alors que les écoles privées ont rouvert leurs portes, les établissements publics peinent à fonctionner, faute de moyens. La gratuité de l’enseignement, autrefois garantie par le gouvernement congolais, est aujourd’hui remise en question sous la nouvelle administration en place à Goma. Les enseignants, dont les salaires étaient pris en charge par Kinshasa, se retrouvent dans une situation de précarité, ne sachant plus de quelle autorité ils dépendent ni comment ils seront rémunérés.
Julienne Kasilamo, team leader de la composante éducation et recherche scientifique à la coordination de la société civile du Nord-Kivu, exprime son inquiétude face à cette situation.
« Nous nous réjouissons de voir les enfants reprendre le chemin de l’école, leur place légitime. Cependant, les écoles primaires publiques font face à de graves difficultés. Elles ne peuvent pas fonctionner sans soutien. Avant, les frais de fonctionnement et les salaires des enseignants étaient assurés par l’État congolais via les banques, permettant une gratuité pour les élèves. Aujourd’hui, cette question doit être résolue rapidement : ces enfants qui restent à la maison ont droit à l’éducation, et les enseignants méritent leur salaire. Ils pourraient avoir la volonté d’enseigner, mais qui prendra en charge les frais autrefois assumés par les parents ? »
Une crise éducative sur fond de crise économique
La situation économique à Goma complique davantage la reprise des cours. Les récents combats ont laissé de nombreux parents dans une détresse financière, certains ayant perdu leur emploi ou leurs biens à cause des pillages. Cette précarité pousse plusieurs d’entre eux à ne plus envoyer leurs enfants à l’école, qu’il s’agisse d’établissements publics ou privés.
Julienne Kasilamo déplore cette réalité et appelle les familles à ne pas sacrifier l’éducation de leurs enfants malgré les difficultés :
« Beaucoup de parents ont perdu leurs biens ou leur travail. Cela les conduit à retenir leurs enfants, qu’ils soient en primaire, au secondaire ou à l’université, par manque d’argent. Mais nous, en tant que société civile, encourageons les parents à envoyer leurs enfants à l’école. Nous espérons que ce défi sera relevé. »
La rentrée scolaire 2024-2025, prévue initialement pour le 4 septembre 2024, n’avait été effective que le 28 octobre 2024 dans les écoles primaires publiques, après une grève des enseignants. Aujourd’hui, l’accès à l’éducation dans un contexte d’instabilité politique et économique devient un enjeu majeur pour Goma.
Les autorités locales, les organisations de la société civile et les acteurs internationaux seront-ils en mesure d’apporter des solutions pour garantir la continuité de l’éducation à tous les enfants de la ville ? En attendant, l’incertitude demeure et les écoles publiques restent fermées, laissant de nombreux élèves dans l’attente d’une issue favorable.
Nic MUKOBELWA