Procès contre Charles Onana : le soutien massif du peuple congolais à l’écrivain franco-camerounais
Le lundi 7 octobre 2024, s’est ouvert à Paris le procès de l’auteur franco-camerounais Charles Onana, ainsi que des Éditions du Toucan, dans un contexte chargé d’enjeux historiques et politiques. Ce procès, qualifié d’« historique », se déroule devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris et s’étendra sur quatre jours, jusqu’au 11 octobre 2024.
Le procès fait suite à une plainte déposée en 2020 par plusieurs organisations, notamment Survie, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la Fédération internationale des droits humains (FIDH). Elles reprochent à Charles Onana et à Damien Serieyx, directeur de publication des Éditions du Toucan, la « contestation publique de crime contre l’humanité » en lien avec le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.
Dès le premier jour, Charles Onana s’est défendu en affirmant clairement : « Je ne nie pas du tout le génocide et je ne le ferai jamais ». L’écrivain a ajouté qu’on lui prêtait des intentions contraires à celles qu’il avait exprimées dans son travail. Il a rappelé que son ouvrage Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise. Quand les archives parlent, publié en 2019, visait à questionner des aspects spécifiques de ce conflit, notamment l’implication de l’opération militaire française Turquoise et ses conséquences sur la région des Grands Lacs.
Dans ce livre, Charles Onana critique la version officielle des événements entourant les massacres de 1994, tout en défendant l’intervention militaire française, souvent accusée d’avoir facilité la fuite des génocidaires vers le Zaïre (actuelle République démocratique du Congo). Il va plus loin en affirmant que Paul Kagame, actuel président du Rwanda et à l’époque leader du Front patriotique rwandais (FPR), aurait utilisé cette période pour lancer une invasion déguisée du Nord-Kivu afin de s’emparer des ressources minières de la région.
L’affaire a pris une tournure politique marquée, surtout en raison de la législation française. L’avocat de Charles Onana, Me Richard Gisagara, a rappelé que l’auteur est poursuivi en vertu de l’article 24 bis de la loi sur la liberté de presse de 1881, modifiée en 2017 à la suite des pressions exercées par la Communauté rwandaise de France. Cette loi est au cœur des débats sur la liberté d’expression et les limites à poser aux auteurs qui revisitent des événements historiques complexes.
Ce procès a suscité une réaction vive et un soutien massif du peuple congolais, particulièrement en raison des accusations portées contre Onana qui documente depuis des années les crimes commis en République démocratique du Congo, notamment durant la guerre ayant dévasté le pays après le génocide rwandais. Ces crimes, qui font l’objet du rapport Mapping de l’ONU publié il y a 14 ans, restent largement impunis, ce qui renforce le soutien de nombreuses personnalités congolaises et internationales.
Le prix Nobel de la paix, Denis Mukwege, figure emblématique de la lutte contre les violences faites aux femmes en RDC, a fermement exprimé son soutien à Charles Onana. Dans une déclaration poignante, il a dénoncé la situation : « Poursuivre un homme qui documente et dénonce les crimes commis en RDC, alors que les commanditaires de ces crimes sont accueillis en grande pompe à Paris, est une honte pour la France, souvent présentée comme le pays des droits de l’Homme. Nous exprimons notre soutien à M. Charles Onana : la vérité finit toujours par triompher. Le peuple congolais, qui résiste et survit à la barbarie dans la région des Grands Lacs, est avec vous. »
Alors que le procès continue de susciter des débats passionnés, tant en France qu’en RDC, les Congolais espèrent que la vérité et la justice prévaudront dans cette affaire au lourd passé colonial et géopolitique.
DKM